Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Aeklyne's Fics
26 mai 2012

L'ombre d'une vie : Chap. 1 Je marche. Encore.

L'ombre d'une vie : Chap. 1

 

Je marche. Encore. J’ai froid. Vous ne savez pas ce que c’est que le froid. Toutes les expressions niaises que vous utilisez quand vous partez au ski sans comprendre vraiment ce qu’elles signifient sont le reflet d’une partie de ma vie. J’ai froid. Encore. Toujours. Froid. Ce froid qui vous glace les os. Chaque pas que je fais semble être le dernier. Mais je continue toujours. Pour elle. Elle qui attend avec la couverture beige trouée, vestige d’une vie d’antan. Elle a froid, elle aussi. Et si je ne rapporte rien, elle meurt. Alors je continue. Toujours. Je n’ai pas le temps de réfléchir. Je dois juste marcher. Je n’ai pas le temps de m’attendrir, car chaque moment de faiblesse peut m’être fatal. Je dois marcher entre les cadavres dégoulinants de sang. Je ne peux pas me permettre de penser. Si je pense, je meurs. Je meurs à la pensée de tous ceux qui sont, là ou ailleurs, morts. La mort. Elle semble presque douce par rapport à la vie. Je n’ai pas le temps d’avoir d’âme, de cœur. Sauf pour elle. Je n’ai pas le droit de manquer d’esprit, de dureté, je ne peux pas m’attendrir. Je ne peux pas vivre, car je dois survivre. Survivre pour espérer l’impossible. Espérer qu’elle reste. Et qu’un jour, elle puisse vivre. Vraiment. Sans grelotter de froid toute la journée. Sans rester immobile avec comme seule pensée « survivre ». Alors, pour cela, il faut survivre. Marcher. Dépouiller les cadavres en espérant trouver un peu de nourriture. Fouiller les immenses déchetteries et prendre tous ce qu’ils ont gaspillé. Ils. Ils ont une vie de rêve, loin de la guerre, loin de la misère, loin de la faim, loin du froid. Mais ils ne sont pas heureux pour autant. Ils ont tout, veulent toujours plus et pourtant, le bonheur est loin d’eux. Je ne veux pas de cette vie là. Je veux une vraie vie. Je ne veux pas baigner dans le luxe et les richesses. Je veux être heureuse. Non. Je veux avant tout qu’Elle soit heureuse.

Elle ne sait pas où je suis. Elle aurait voulu me suivre. Elle me croit dans les rues d’Exywa. Je lui ai raconté que je volais dans les magasins. Innocente. Les gens tiennent tellement à leur nourriture. Si j’avais essayé, j’aurais été morte dans la seconde qui suit. On aurait affiché ma dépouille sur l’estrade de la ville pour rappeler aux gens que s’ils n’acceptaient pas de mourir de faim, ils seraient morts comme ça. Je ne sais pas ce qui vaut de mieux. Le pire reste de mourir de désespoir devant ces cadavres qui jonchent le sol et la peur de finir ainsi. Alors, il ne faut pas ouvrir son cœur. Il faut rester impassible devant tant d’horreur. Il faut construire une carapace tellement épaisse qu’on n’a souvent pas de temps de l’achever avant de finir soi-même dans la poussière sous les coups de ces armes si puissantes. Mais non, je ne finirai pas ainsi, parce qu’alors, elle meurt. C’est dur, si dur, de penser à ça. C’est pour ça qu’il ne faut pas penser. Mais parfois, on ne peut pas faire autrement. C’est dur, si dur, de vivre ainsi. Parfois, j’ai envie de tout laisser tomber, ce poids immense qui pèse sur mes épaules. J’aimerai me dire, simplement, que ce n’est qu’un rêve et que maman va me réveiller d’un moment à un autre, me dire « c’est l’heure, il faut travailler. » Oui, dès mon plus jeune âge, j’ai travaillé dans les ateliers. Je confectionnais les habits pour que ceux de la grande ville puissent les porter. Je n’ai jamais été à l’école, d’ailleurs, presque plus personne d’y va, en dehors de la grande ville. Je n’ai jamais eu une vie facile. Mais j’étais souvent nourrie à ma faim, et j’ai toujours eu un toit. J’étais de ceux qu’on appelle « les survivants ». Survivants de l’invasion. Je n’étais pas encore née, ma mère avait mon âge.

Publicité
Publicité
Commentaires
Aeklyne's Fics
Publicité
Archives
Publicité